L’agglomération Orléans-Val de Loire, qui regroupe aujourd’hui 22 communes et 274.000 habitants, avait récemment fêté ses 15 ans. Cet âge n’est pas simple car il faut pouvoir sereinement regarder le passé, qui reste relativement court, pour mieux appréhender l’avenir, qui peut paraître très obscur. C’est précisément pour préparer l’avenir que le gouvernement a engagé le troisième acte de la décentralisation voulu par François Hollande en 2012. Il s’agit tout simplement de renforcer l’échelon régional et intercommunal afin d’accroître notamment les capacités d’investissements tout en privilégiant la proximité des citoyen-ne-s avec leurs élu-e-s. Les lois NOTRe et MAPTAM se sont succédées et donnent l’impulsion nécessaire à ce mouvement qui, je crois, durera encore plusieurs années. La loi relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, permettant ainsi à Orléans de devenir une métropole, a été définitivement votée le 16 février dernier. Le statut de métropole pour Orléans est officiel depuis hier, lundi 1er mai.
C'est fait : #Orléans et #Tours disposeront du statut de métropole ! La loi est votée à l'@AssembleeNat. Maintenant, aux actes. #DirectAN
— Yann Chaillou (@yannchaillou) February 16, 2017
À terme je suis persuadé qu’il faudra finir de clarifier les choses en faisant des Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) de vraies collectivités territoriales et en supprimant les départements et les communes. Nous n’y sommes pas encore mais j’aimerais dans cet article développer cette idée en m’appuyant sur les débats qui ont fait l’actualité pour faire d’Orléans une métropole.
Commençons par le commencement : les collectivités territoriales exercent des compétences qui leur sont dévolues par l’État. C’est ce qu’on appelle la décentralisation. Par exemple la Commune s’occupe du stationnement quand la Région s’occupe des lycées (entretien et fonctionnement des bâtiments uniquement). Il existe plusieurs types de compétences : les compétences exclusives, les compétences non-exclusives ou encore les compétences partagées. C’est assez difficile et le moindre flou entraîne l’incompréhension des citoyen-ne-s. Dernièrement François Bonneau, président de la Région Centre-Val de Loire, a décidé de rendre gratuits, pour les scolaires, les transports inter-urbains (le réseau Ulys dans le Loiret) puisque la compétence est passée du Département à la Région. Or certaines personnes n’ont pas compris pourquoi la mesure ne s’appliquait pas au réseau Tao à Orléans. Elles ignoraient en fait que les transports urbains sont, eux, gérés par l’échelon intercommunal dont Charles-Eric Lemaignen est le président. Cela montre bien la complexité des choses (même s’il existe maintenant une certaine cohérence en ce qui concerne les transports urbains et inter-urbains).
La métropole permet d’avancer sur la clarification de ces fameuses compétences et surtout d’apporter plus de cohérence dans l’action publique. Les communes vont voir leurs compétences en ce qui concerne la valorisation du patrimoine naturel et paysager, la participation à la gouvernance et à l’aménagement des gares, la gestion des cimetières d’intérêt métropolitain, les espaces publics et la défense incendie, transférées à la métropole. Elles avaient déjà transférées les compétences liées aux zones d’activités économiques, au tourisme, à l’urbanisme, à l’eau, au commerce de proximité, à la prévention des inondations, aux équipements culturels et sportifs d’intérêt communautaire, aux voiries, aux parcs et aires de stationnement, aux réseaux de chaleur et de froid urbain, et à la distribution publique d’électricité et de gaz. Qui dit transfert de compétences dit transfert de personnels. Depuis 2015 à Orléans les services sont progressivement mutualisés : chaque agent reste salarié par son employeur initial. Demain les services seront transférés, ce qui signifie un changement d’employeur pour les agents. Cela exige beaucoup de vigilance sur le dialogue social et les conditions de travail pour les femmes et les hommes qui font chaque jour le service public de proximité.
Concrètement on peut se demander quel est l’intérêt d’augmenter le champ d’action pour prendre ce genre de décisions. La réponse est simple : nous ne vivons pas « enfermés » dans une seule commune mais bien dans un bassin de vie plus grand. Or de nos manières de vivre dépend l’aménagement du territoire. Il est tout à fait naturel de travailler en centre-ville d’Orléans tout en habitant à Saint-Jean de Braye, en faisant ses courses à Chécy et en ayant des activités de loisirs à Olivet. Il est donc tout à fait logique que les politiques liées à tout cela prennent en compte cette vision plus vaste. Par exemple : le Plan Local d’Urbanisme est un document qui donne les orientations pour aménager et préserver le territoire. Il fixe les règles et les limites de l’urbanisations et de la construction. Il était auparavant conçu par chaque commune. Ses évolutions seront maintenant décidées par la métropole.
On a beaucoup parlé en 2016 du référendum à Saran qui pourrait se résumer à la question « Êtes vous pour ou contre la communauté urbaine ? ». Au premier tour des dernières élections régionales de 2015 la liste communiste était arrivée en quatrième position derrière le FN, le PS et la droite. Difficile de croire que ce référendum n’avait d’autre objectif que de se refaire une légitimité en récupérant les voix de centaines d’électeurs. D’autant qu’une sortie de l’agglomération, en plus d’être désavantageuse pour les habitants en ce qui concerne les transports en commun ou la gestion des déchets, ne semblait pas avoir été préparée : il faut l’accord des 3/5ème des élu-e-s communautaires, c’était impossible, et il faut rejoindre une autre intercommunalité, la communauté de communes de la Beauce Loirétaine n’y était pas favorable. Si je peux partager des craintes bien légitimes, je ne crois absolument pas aux discours qui visent à ne rendre possible la proximité que par le biais des communes ou des départements : la proximité dépend avant tout de la présence des services publics sur tous les territoires. Elle dépend de l’efficacité de ces services (en terme de rapidité et de simplicité). Elle dépend aussi de la capacité des élu-e-s à être à l’écoute des citoyen-ne-s mais sûrement pas de la taille du territoire sur lequel on leur demande d’agir.
C’est pour toutes ces raisons que je suis convaincu qu’il nous faut maintenant réfléchir à des fusions de communes sur l’ensemble du pays. Un statut de « Commune nouvelle » incite d’ailleurs à ces fusions, de communes contiguës ou d’un EPCI entier, à l’aide d’un pacte financier qui garantit pendant trois ans le niveau des dotations de l’État aux communes fusionnant. Il y a des exemples dans le Loiret avec Douchy-Montcorbon (Douchy et Montcorbon), Le Malesherbois (Coudray, Labrosse, Mainvilliers, Malesherbes, Manchecourt, Nangeville, Orveau-Bellesauve), et plus récemment Bray-Saint-Aignan (Bray-en-Val et Saint-Aignan-des-Gués). L’argument n’est donc pas que financier, il ne s’agit pas uniquement de faire rayonner le territoire d’un point de vue économique, même si ce n’est pas faux, il s’agit d’abord de défendre une vision cohérente et globale en s’appuyant sur les modes de vie existants. Osons, nous aussi, ce pas à Orléans.