Pour mon troisième Conseil National du Mouvement des Jeunes Socialiste, premier en tant qu’animateur fédéral, j’ai signé une contribution sur la thématique de l’emploi avec les camarades d’ERASME (évolution, réforme, avenir, socialisme, mouvement et Europe) venant du Loiret, des Deux-Sèvres, de l’Indre, de la Drôme, de l’Ardèche et du Rhône :
Malgré la stabilisation du chômage, malgré une baisse de 20 500 du nombre d’inscrits en catégorie A durant le mois d’octobre, la bataille pour l’emploi est loin d’être terminée. Il est urgent que nous, jeunes socialistes, définissions une stratégie affirmée de retour vers le plein emploi, en activant l’ensemble des leviers disponibles à tous les échelons. Au delà de la poursuite et de l’accélération des réformes en France, profitons, en particuliers, des échéances électorales de 2014 pour porter un projet pour l’emploi localement et en Europe.
Vingt mois de lutte pour l’emploi en France et en Europe
articule essentiellement autour de urgence à travers le traitement social du chômage par la mobilisation des outils des politiques publiques : principalement les contrats aidés, dont le nombre avenir. Ensuite, des réformes de structure : le soutien à la compétitivité coûts et hors coûts par le pacte de compétitivité du 6 novembre innovation, structuration du tissu productif en accord national emploi du 11 janvier 2013, une politique active de création et entreprises avec la mise en application des conclusions des assises de avril (élargissement du statut des jeunes entreprises innovantes, mobilisation de échec…), une réorientation investissements de 12 milliards euros présenté en juillet…
L’action a été permanente et sans relâche depuis mai 2012, malgré les difficultés. Si des résultats sont arrivés sur l’emploi des jeunes, tout doit s’accélérer pour gagner toutes les batailles de l’emploi.
Parmi les combats engagés sur le front de l’emploi, nous devons en tant que jeunes socialistes, pour être en adéquation avec notre identité européenne et internationaliste, regarder ce qui se passe chez nos voisins. L’Union Européenne est confrontée à un double défi : un chômage extrême des jeunes et une importante précarité de l’emploi pour les “ jeunes privilégiés” qui ont eu la chance de trouver un emploi. Selon Eurostat, le taux de chômage des jeunes représente, en effet, plus du double du taux global de chômage européen, respectivement 23.3% et 10.9% (au troisième trimestre 2013). Concernant les jeunes ayant un emploi, il y a une forte proportion qui travaille dans le cadre d’un contrat temporaire ou à temps partiel. L’emploi doit donc être une préoccupation de la gauche européenne.
Depuis 2010, des programmes pour l’emploi ont été mis en place dans le cadre « d’Europe 2020 », mais les seules réformes dogmatiques du marché du travail voulues par les libéraux européens n’ont conduit qu’à une impasse. Sans retrouver la croissance, l’Europe affaiblit tout de même sa protection sociale. Face à cela, un nouveau souffle est tout de même visible depuis 2012 grâce à l’action de la France mais aussi des gauches européennes. Le principe d’une « garantie jeunes » a ainsi été repris, partiellement, par la Commission. La garantie pour les jeunes est une approche dans laquelle gouvernements, services publics de l’emploi, prestataires de l’enseignement, agences de formation et groupes de jeunes travaillent ensemble et en tandem avec les employeurs pour proposer aux jeunes un travail, une formation ou un enseignement dans un délai de quatre mois, normalement, après qu’ils soient tombés sans emploi ou qu’ils aient quitté l’enseignement à temps plein. Un certain nombre de pays de l’UE pratiquent déjà cette approche, dont l’Autriche et le Danemark. Leurs taux de chômage des jeunes (entre 10% et 15%) sont inférieurs à la moyenne de l’UE qui s’élève quasiment à 23% et atteint même 34% en Irlande.
Réjouissons-nous de ce progrès, qui est une base pour aller plus loin au niveau européen.
Lutter contre le chômage sans croissance ?
L’essentiel en matière de lutte contre le chômage consiste bien dans l’amplification des réformes de structure. Nous refusons de renvoyer la perspective d’une baisse durable du chômage au seul retour d’une croissance forte et régulière. D’abord parce que la France doit prendre son parti de vivre dans un univers de croissance plus faible qu’avant : celle-‐ci ne devrait vraisemblablement pas s’élever à plus de 1% du PIB en 2014. Plus fondamentalement, depuis les années 1960, la tendance à la baisse de la croissance des pays développés s’est clairement accentuée et est désormais une donnée avec laquelle il faut composer.
Mais même une reprise économique solide serait impuissante à recréer des emplois en grande quantité : depuis trente ans, la situation de l’emploi en France est caractérisée par un taux de chômage structurel jamais inférieur à 8 %, sinon durant quelques intervalles exceptionnels. Les politiques économiques de soutien à la croissance par l’innovation, l’éducation, la compétitivité industrielle, ou par une stratégie d’investissement social et écologique menée à l’échelle de l’Union européenne, si elles sont indispensables, ne sauraient à elles seules résorber un chômage profondément ancré dans notre société.
Afin d’inverser durablement la courbe du chômage, il convient ainsi d’axer notre stratégie non plus seulement sur un retour incertain d’une forte croissance ou un recours massif aux emplois aidés, mais bien sur la réforme de nos structures sociales. La gauche doit engager résolument, ainsi que l’a réaffirmé le président de la République, la conversion écologique de notre économie en réévaluant à la hausse nos objectifs de réduction des gaz à effet de serre d’ici à 2020, ce qui pourrait créer plusieurs millions d’emploi. La gauche doit aussi soutenir lors des prochaines municipales des projets de soutien à l’emploi en s’engageant localement dans les dispositifs nationaux, en soutenant le secteur de l’économie sociale et solidaire, ou en portant des projets économiques intercommunaux dans les agglomérations urbaines notamment. Mais elle doit également élaborer un nouveau pacte, un compromis historique articulé autour de la refondation de notre modèle social afin de le rendre davantage favorable à l’emploi.
Un nouveau compromis social
On ne répétera jamais assez à quel point les attitudes et les postures des acteurs économiques vis-à-vis de l’emploi ont un effet déterminant quant au niveau de ce dernier. Miser sur les protections collectives par l’implication de l’ensemble des acteurs sociaux, qui résume à lui seul le modèle social-démocrate, est au cœur de la stratégie gouvernementale et est une des conditions du retour vers un sentier de plein emploi pérenne. C’est à ce titre que nous soutenons énergiquement François Hollande dans sa volonté de bâtir une « social-démocratie à la française ». La promotion du dialogue social et de la négociation collective implique de privilégier la régulation sociale de l’emploi plutôt que sa sur-réglementation inefficace à travers l’accumulation de réglementations judiciaires. Cette révolution indispensable pour que les normes en matière de travail et d’emploi soient mieux adaptées au contexte économique suppose toutefois que les partenaires sociaux soient beaucoup plus légitimes, forts et donc représentatifs, pour accomplir leurs missions. D’où la nécessité d’aborder au plus vite la problématique de leur financement.
Cette pratique de la négociation collective peut et doit permettre l’édification d’un marché du travail protecteur socialement et moteur économiquement, esquissé avec l’accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l’emploi, et dont la formation professionnelle doit être le pilier majeur. La principale innovation de l’accord signé le 14 décembre 2013 entre partenaires sociaux sur ce sujet consiste en la création d’un compte personnel de formation, dont l’objectif est d’assurer une meilleure portabilité des droits.
Plus fondamentalement, il nous faut réunir les conditions d’un « big bang » de la formation professionnelle. Articuler de façon cohérente le nouveau compte personnel de formation avec la myriade de dispositifs actuellement existants (droit individuel à la formation, congé individuel de formation…) en créant un véritable contrat de salarié en formation et recherche d’emploi. Il faut, dans cette optique, réformer une gouvernance totalement éclatée entre de multiples structures par la création d’un véritable service public de la formation et Réorienter les fonds de la formation professionnelle vers ceux qui en ont le plus besoin. Selon les simulations du second rapport de la commission Attali, une telle refondation du système actuel permettrait rapidement la création de près de 500 000 emplois.
Le pacte de responsabilité présenté par le Président de la République doit être l’occasion d’organiser un nouveau « donnant-donnant » entre les employeurs et les salariés, la Gauche et l’entreprise, dans l’esprit d’un système durable à bâtir. L’annonce de la fin des cotisations patronales familiales se justifie pleinement à la fois économiquement car la surtaxation du travail décourage l’emploi et pénalise l’investissement, mais également socialement puisque, ainsi que le rappelait Thomas Piketty, « s’il est parfaitement légitime que des dépenses qui bénéficient aux salariés en proportion de ce qu’ils cotisent, comme l’assurance chômage et la retraite, soient assises sur les revenus du travail, les dépenses sociales universelles, c’est-à‐dire la famille et la maladie, doivent en revanche reposer sur l’ensemble des revenus. »
Le compromis social que nous appelons de nos vœux ne doit pas se faire de manière isolée. La nouvelle échéance européenne de 2014 doit permettre de porter un nouveau pacte social au niveau européen en partenariats avec les socialistes et démocrates (ou sociaux-démocrates !) qui sont les forces du progrès. L’harmonisation sociale dans plusieurs domaines est toujours d’actualité pour tirer vers le haut l’Europe : dans la lutte pour l’égalité femmes-‐hommes, dans le cadrage européen des diplômes permettant la mobilité, mais aussi dans les mesures d’accès à l’emploi pour les jeunes et l’ensemble des protections chômage et retraite. L’Europe libérale a vécu, portons un projet européen socialement fort et harmonisé.
La réforme du financement de la protection sociale, la poursuite de l’approfondissement de la démocratie sociale et des négociations sur la sécurisation de l’emploi en France et en Europe doivent ouvrir le bal de l’année 2014. «Donnant – donnant» et pacte social doivent permettre d’engager résolument de profondes réformes de structure afin de tendre vers le plein emploi qui reste l’objectif. Toutes les forces de la gauche, tous les leviers politiques et institutionnels doivent être mobilisés, le temps n’est plus à l’urgence mais aux réformes profondes pour prépare l’avenir de notre société.