Tribune signée avec des camarades jeunes socialistes de différentes sensibilités représentées par Matthieu Jouvet et Jérémy Pinto : Prudence Adjanohoun de Côte-d’Or, Yasin Amrouche de la Haute-Vienne, William Benaissa de Maine-et-Loire, Pauline Blanc du Tarn-et-Garonne, Clémence Bonnin de Vendée, Paul Chalvin de Paris, Grégoire Chapuis du Loiret, Hugo Conzelmann du Val-de-Marne, Elise Dacosse de Maine-et-Loire, Sophie Dernois de Saône-et-Loire, Erwan Desnos du Morbihan, Romain Entat de la Drôme, Manon Flamand de l’Yonne, Mathilde Fouchet de l’Indre, Guillaume Fourgeaud de la Haute-Vienne, Aykel Garbaa de Maine-et-Loire, Basile Imbert du Gard, Camille Jean d’Ardèche, Sébastien Jehanno du Morbihan, Vincent Jurek de Côte-d’Or, Athenais Kouidri de la Drôme, Léo Lachambre de Côte-d’Or, Samir Lassoued du Val-d’Oise, Caroline Le Bert de Mayenne, Julien Lesince du Loiret, Charlotte Martinon-Uro du Loiret, Guillaume Menier de Côtes-d’Armor, Alison Paquette de l’Indre, Marceau Perdereau de la Sarthe, Kévin Pichenet du Rhône, Mike Plaza de l’Aisne, Franck Rivière du Tarn-et-Garonne, Marie Rolland de Saône-et-Loire, Nathanaël Suaud du Tarn et Olivier Trapani du Val-de-Marne.
Plusieurs milliers de jeunes de notre génération, syndiqués, citoyens, ont voulu faire entendre dans la rue leurs aspirations dans la construction de la société de demain, une société à laquelle ils veulent prendre part activement. Pour la plupart, ils ont ainsi fait le choix d’être acteurs plutôt qu’observateurs, et nous entendons cette démarche car nous sommes de cette jeunesse engagée plutôt que résignée.
Mais nous n’avons pas manifesté jusqu’alors et nous ne serons pas dans la rue ce jeudi non plus.
Précisément parce que nous sommes mobilisés plutôt que fatalistes, nous pensons que les réformes sont nécessaires pour mettre le pays en mouvement, après trop d’années de paralysie. Nous ne serons jamais ni de ceux qui plaident pour le statu quo, pire hypothèse pour fragiliser davantage notre modèle social, ni davantage de ceux qui agitent les caricatures outrancières pour toujours plus libéraliser.
Notre indignation nous la mettons au service de la réforme. Le changement est en marche pour améliorer une réalité déjà dure: les espoirs de la jeunesse sont réels mais souvent confisqués. La précarité s’est généralisée dans l’accès au marché de l’emploi, a fortiori pour les jeunes qui quittent le système scolaire sans diplôme. C’est à ces blocages qu’il nous faut répondre. Alors si dans ce contexte morose certains sont tentés de renoncer, nous ne sommes pas des grincheux de tous poils qui prospèrent mais qui ne portent aucune alternative réelle.
Membres du Mouvement des Jeunes Socialistes, nous avons une responsabilité particulière dans cette période. D’abord, car nous sommes convaincus que la traduction en actes de nos aspirations ne peut advenir que par la voie de l’engagement politique. A cet égard, nous revendiquons le soutien au gouvernement de notre famille politique et un mode d’action basé sur la critique constructive de la gauche au pouvoir. Car, bien qu’accompagnant son action, nous sommes aussi lucides sur les difficultés que rencontre le pays: en dépit de nombreuses réformes et de résultats bien réels, l’héritage de dix ans de droite pèse toujours. Ce n’est donc pas le moment de stopper les efforts.
Agir radicalement sur le réel pour ouvrir de nouveaux droits.
Des révolutions industrielles aux grandes conquêtes sociales, le travail, premier vecteur d’émancipation, est le cœur de l’identité de la gauche. Aujourd’hui, il convient de repenser cet enjeu alors qu’il est confronté à de nombreuses mutations dans la société contemporaine, à l’ère du numérique et de la globalisation. C’est l’objectif de la loi El Khomri, offrir de nouvelles protections pour les travailleurs et favoriser l’embauche. Le gouvernement a entendu les inquiétudes émanant de la première version du texte qui ne répondait pas à cette ambition et nous nous félicitons que le dialogue social ait permis des avancées auxquelles nous souscrivons et qui étaient nécessaires.
L’universalisation de la « garantie jeune » constitue un progrès extrêmement conséquent, qui permet à tous les moins de 25 ans peu ou pas diplômés de s’inscrire dans un dispositif actif d’insertion professionnelle. Le compte personnel d’activité, dont le plafond d’heures cumulables est désormais relevé à 400 heures de formation, permet d’avancer concrètement vers la sécurisation des transitions et des parcours professionnels. Enfin, la création d’un compte « engagement citoyen » constitue un pas important qui permet de récompenser et valoriser l’engagement bénévole et citoyen des jeunes, notamment dans le cadre du service civique. Non seulement la gauche permet d’ouvrir de nouveaux droits pour les jeunes et les travailleurs, mais désormais ces droits sont attachés à la personne plutôt qu’au statut: c’est une révolution!
En ces nouveaux termes, parce que nous considérons avoir la responsabilité de construire une issue positive, nous ne sommes pas solidaires de la direction nationale du MJS quand elle appelle à manifester pour le retrait du projet de loi. Quel message veut envoyer notre organisation, notamment aux jeunes qui cherchent à s’insérer sur le marché du travail? Quelle inconséquence pour les jeunes précaires que de voir le MJS qui revendique ainsi une forme de statu quo. Cette attitude est perçue à mi-chemin entre le désespoir et l’incompréhension par ces jeunes préoccupés par leur droit à l’avenir et qui aspirent trouver un emploi. De même, qualifier notre gouvernement socialiste comme « de droite » est une impasse suicidaire. La stratégie contre-productive de l’appel à manifester a apporté de l’eau au moulin de l’hystérie générale, qui peut conduire la gauche à l’échec collectif. Or, rien ne serait pire pour celles et ceux que nous défendons, celles et ceux déjà confrontés aux difficultés, qu’une défaite de la gauche. Pourtant telle pourrait être la conséquence grave d’un renoncement aux nouveaux droits que permet le projet de loi et à ses avancées considérables, avec le risque de s’en priver pour de très nombreuses années.
Nous ne sommes donc pas de ceux qui demandent le retrait du projet de loi, car les rééquilibrages permettent désormais d’avancer et de laisser la place à une discussion parlementaire sereine.
Idéalistes et réformistes.
Le logiciel de la gauche ne peut plus se résumer à la contestation permanente et stérile. La gauche est riche de sa diversité, à condition que chaque composante soit consciente de sa responsabilité. Mais, tout en étant fermes sur les valeurs, il faut rassembler car nous ne pensons pas qu’il y ait des camps irréconciliables.
Nous sommes des idéalistes, car notre volonté de transformation sociale et notre opiniâtreté à combattre toutes les formes de déterminisme est intacte, pour permettre à chaque citoyen d’accomplir sa vie dans une société apaisée et dont l’égalité est le point cardinal de notre engagement.
Nous sommes des réformistes parce que nous sommes progressistes. Au conservatisme nous opposons le volontarisme. Nous refusons de nous classer dans un socialisme réduit à un simple accompagnement social du capitalisme ou à un « social-libéralisme ». Le réformisme que nous portons est radical. Il n’est pas un fade pragmatisme. Le socialisme auquel nous aspirons c’est au contraire, opposer une détermination sans faille pour faire progresser la justice sociale, produire pour redistribuer et permettre l’égalité réelle. Nous pensons que par ses ambitions le projet de loi travail répond de ces enjeux.
En somme, alors que la situation actuelle de notre pays doit pousser la gauche à répondre avec détermination aux enjeux de l’emploi et de l’égalité, nous refusons la tentation que pourraient susciter les postures caricaturales. Nous appelons à l’union de la gauche dans sa diversité, sans laquelle nous serions complice du retour d’une droite qui s’affiche sans cesse plus résolue à réduire le Code du Travail à peau de chagrin et qui ne dissimule plus ses dérives conservatrices. Le bilan social d’un tel régime nous apparaîtrait alors intolérable.