Assemblée thématique de @TousOrleans ce soir au café du théâtre : pour la première réunion sur la #culture, nous avons pu échanger avec Jean-Michel Ouvry, graphiste, designer et illustrateur, sur l’art urbain. #Orléans a du potentiel, sachons le mettre en avant et l’exploiter. pic.twitter.com/U6sfuPit7A
— Yann Chaillou (@yannchaillou) February 21, 2019
Jean-Michel Ouvry, illustrateur, graphiste, designer et président de l’association Sacre Bleu qui promeut l’art urbain et ses artistes, est intervenu devant le think-tank pour répondre à la question « Être fiers d’Orléans : comment faire rayonner notre ville ? » en exposant sa vision de la politique culturelle.
Au cours de son intervention il s’est attaché à populariser le mouvement artistique auquel il appartient, à comparer l’action culturelle des différentes villes qu’il a pu côtoyer ainsi qu’à expliciter les aspects techniques qu’il faut prendre en compte dans l’élaboration d’événements culturels majeurs.
Comprendre l’artiste
Le « street-art » un terme dont on s’éloigne car il est devenu trop marketing et ne correspond pas précisément au mouvement artistique dans lequel s’inscrit Sacre Bleu et ses artistes : le lowbrow. Il s’agit d’un mouvement d’art pictural qui associe une culture populaire empruntée aux comics, au dessin animé ou à la publicité par exemple, à une culture historique. Quand on parle de lowbrow, on parle souvent d’une peinture technique avec des références un peu « bêto ».
L’association Sacre Bleu, lancée il y a 4 ans, est basée à Orléans, Paris et New-York. À Orléans elle gère notamment le MUR, avec Ludovic Bourreau (MUR pour Mur Urbain et Réactif). Si le concept n’est pas nouveau, puisqu’il s’inspire par exemple du projet Tour Paris 13, il plaît aux Orléanaises et aux Orléanais par sa simplicité et par ce qu’il apporte en nouveau souffle à la ville. En effet, chaque mois une nouvelle fresque voit le jour sur le mur du cinéma des Carmes situé rue Henri Roy, et toutes les fresques sont réalisées en « live painting », c’est à dire que l’on peut observer l’artiste créer l’œuvre en direct.
En 4 ans Sacre Bleu s’est aussi fait connaître grâce au Loire Art Show, dont 2019 sera l’année de la troisième édition. La première édition s’est tenue en 2017 sur le site de l’ancien Hôpital Madeleine. Voué à une reconstruction de grande ampleur, l’association et ses artistes ont pu « envahir » les lieux avec de nombreuses œuvres, elles-mêmes vouées à la destruction. Cet événement a attiré entre 12000 et 13000 visiteurs en une semaine, ce qui n’est pas autant qu’espéré, mais a fait parlé dans la presse américaine. La deuxième édition en 2018 a eu lieu sur le site des anciennes Vinaigreries Dessaux et a fait office d’expérimentation pour l’association qui a constaté une fréquentation de 15000 visiteurs en une semaine.
Le Loire Art Show, pour les artistes, c’est avant tout une couverture dans la presse spécialisée. Si les artistes ne sont pas des managers, une certaine compétition existe entre les artistes et chacun doit pouvoir y trouver son compte lorsqu’il participe à – ou qu’il porte – un projet (besoin de presse nationale, besoin d’être rémunéré, etc.). Il faut aussi avoir en tête qu’il est toujours plus simple d’être invité sur un projet que d’en porter un.
Porter un projet
Pour Sacre Bleu tout a commencé par un interlocuteur, à la Mairie d’Orléans, qui a soutenu un projet audacieux, celui de transformer l’ancienne école des Papillons Blancs, bâtiment voué à la destruction pour laisser place à un projet immobilier, en musée éphémère. Ce projet, baptisé L’école est finie, a connu un franc succès.
Des contraintes subsistent néanmoins lorsqu’il s’agit de monter un nouveau projet, notamment d’un point de vue financier, d’abord par le dédommagement des artistes fonctionne souvent à l’affect, ensuite parce que les artistes veulent toujours plus d’argent pour faire les choses en grand. Notons néanmoins que lorsque Sacre Bleu accepte un projet c’est que les budgets permettent tout de même de s’y retrouver. Le fait de n’avoir pas d’exclusivité d’artistes peut aussi être perçu comme une contrainte.
Il y a deux manières de porter un projet dans les villes : soit on vous donne les clés des lieux et vous vous débrouillez (ce qui se fait beaucoup à Biarritz), soit on accompagne avec des fonctionnaires qui peuvent travailler sur logistique, la communication, etc.
Dans tous les cas, les artistes n’aiment pas beaucoup les dates butoirs, très utilisées dans le milieu associatif, ou les projets qui vont se retrouver au cœur de querelles de quartiers. On dit souvent qu’à Orléans la culture c’est en hyper-centre mais c’est souvent là que les habitants ne veulent pas toucher aux façades, même de manière éphémère. Quant aux projets pouvant être portés dans les quartiers le problème réside plutôt dans un différence d’appréciation des objectifs. À l’Argonne par exemple il ne faut pas faire des façades éphémères mais permanentes. En bref, les artistes doivent trouver dans chaque projet une forme de liberté dans laquelle ils ne vont pas se perdre dans des démarches ou des démarchages interminables. Peut-être que pour les collectivités locales, la clé de la créativité c’est la réactivité.
Quelques manques à Orléans
Orléans pourrait être capitale de la culture ! Il y a de très beaux projets comme le festival Hop Pop Hop créé par l’Astrolabe par exemple. Orléans est un centre de formation dans lequel on n’arrive pas à retenir les artistes. À Paris les artistes ont souvent un emploi en agence de communication. Le Voyage à Nantes est quant à lui porté par des artistes originaires d’Orléans. Finalement, la question est de savoir comment on peut garder les têtes pensantes à Orléans ?
Les manques qui peuvent être identifiés ne sont pas d’ordre budgétaires mais partent d’un constat : il y a beaucoup de politiques culturelles, peu d’élus, peu de personnels dans les services qui se divisent d’ailleurs en trois (communication, événementiel, culture).
Il faut donc plus de cohérence, notamment dans le portage administratif des projets, et surtout, comme à Nantes, une politique de la ville et une politique culturelle agressive. Peut-être faudra-t-il penser à l’avenir à développer des projets avec l’Office de Tourisme ?
Par ailleurs, il y a une remise en question à avoir concernant la communication. La communication semble parfois difficile entre les services, et quand elle s’adresse au grand public elle ne doit pas se faire que sur le web mais aussi en street-marketing. Il y a beaucoup d’événements gratuits à Orléans mais les habitants ne vont pas assez chercher l’information.
Questions-réponses
Suite à son intervention, Jean-Michel s’est prêté à un jeu de questions-réponses avec les participant- e-s :
- Sur le lien entre la communication et la culture
L’un des soucis dans notre société aujourd’hui c’est que chacun pense qu’il est possible de faire de l’art, mais ce n’est pas vrai. La question est aussi de savoir quelle image nous voulons à Orléans ? Est-ce qu’Orléans est une copie du Puy-du-Fou ou est-ce qu’on peut faire bien plus ? - Sur la place des femmes dans le monde de la culture
Dans l’association Sacre Bleu il y a 50% de femmes mais c’est vrai que le monde de la culture est pas encore très ouvert aux femmes, ou en tout cas l’art urbain. Néanmoins il y en a quelques unes, et des artistes très connues. - Sur les appels à projets
Pour éviter les maladresses, irriguer l’économie locale et encourager le monde de la culture il faut pouvoir, de temps en temps, choisir des Orléanais. - Sur la place des artistes locaux dans Sacre Bleu
Il n’y a pas d’artistes locaux, de la métropole ou du département, dans l’association Sacre Bleu mais il y a quelques anciens orléanais programmés dans le prochain Loire Art Show.