Le Parti Socialiste vient de vivre une très lourde défaite électorale lors des législatives. Cette défaite ne serait pas insurmontable pour le parti si elle n’était pas en plus la fin d’un cycle.
Mon histoire avec la famille socialiste commence en mars 2011 alors que François Hollande vient d’annoncer sa candidature pour les Primaires citoyennes. Je vote avec conviction pour cet homme en octobre de la même année, après avoir adhéré au Mouvement des Jeunes Socialistes mais sans être encore militant. Quelques mois plus tard il devient notre président de la République. Je me souviens de cette fierté indescriptible qui nous envahit et en même temps de la responsabilité que nous ressentons. Les aînés disent que ce n’est pas l’euphorie qu’ils avaient connue en 1981. Il faut dire que le discrédit sur les femmes et les hommes politiques est déjà entamé et que la situation sociale et économique ne cesse d’empirer. Nous savions déjà que la période n’allait pas être facile.
Le quinquennat n’a effectivement pas été facile. Il y a eu des erreurs de tempo, de communication, de stratégie politique. Il y a eu des anecdotes et des histoires d’éthique. Il y a eu des crises. Il y a eu les attentats. Tout cela autorisait-il pour autant les attaques systématiques à l’encontre du président de la République ? Tout cela autorisait-il de fronder et de parier sur l’échec du collectif ?
J’ai fait partie de ces militants parfois déçus par une action gouvernementale spécifique mais tellement fiers de la globalité du projet porté. J’ai fait partie de ces militants exaspérés par le comportement irresponsable de certains « camarades », notamment à l’Assemblée nationale. Je fais maintenant partie de ceux qui sont dégoûtés. Je souhaite expliquer pourquoi…
De 2012 à aujourd’hui je n’ai jamais fait part à la presse de mes désaccords avec ma famille politique préférant, soit par naïveté, soit par responsabilité, les réunions du parti qui m’ont permis de le faire. D’autres n’ont pas opté pour cette solution. Je le regrette, je le désapprouve totalement mais je peux le comprendre car la démocratie interne n’a pas toujours été parfaite.
J’ai eu de l’espoir lorsqu’en 2015 Jean-Christophe Cambadélis a gagné le Congrès de Poitiers sur une ligne claire de soutien au président de la République et au gouvernement tout en ayant à cœur de faire vivre cette démocratie interne, après avoir organisé les États Généraux des socialistes en 2014. Malheureusement ils n’ont jamais abouti à une refonte profonde du parti, pourtant réclamée par tous. Pire : la ligne claire défendue en 2015 s’est peu à peu délitée ! Je suis surpris aujourd’hui de lire qu’une direction collective va se mettre en place et associer à ses travaux les militants.
Je crois à la social-démocratie comme méthode plus que doctrine, qui consiste à écouter, dialoguer, confronter les arguments y compris avec les plus opposés pour finalement progresser ensemble. Cette méthode est critiquée par certains camarades car elle rend sans doute l’action politique un peu plus lente. Ce qu’ils oublient c’est qu’elle lui donne aussi une stabilité dans le temps. Le compromis peut résister aux alternances, pas l’entêtement ou l’opposition dogmatique.
Par ailleurs la social-démocratie n’empêche pas d’avoir un idéal, de porter haut nos valeurs sociales, ni de les connaître et de les décrire. D’abord l’humanisme avec la reconnaissance et le respect de toutes les différences pour créer les conditions de l’égalité réelle. Ensuite la liberté qui ne peut se traduire que par le respect et qui ne peut se défaire de la défense de notre planète et de l’internationalisme. Nous sommes libres tous ensemble sinon nous ne le sommes pas vraiment. Enfin la Justice notamment dans l’éducation ou l’économie pour réduire les inégalités dues à ce qui ne devrait pas en créer : sexe, âge, origine, lieu de résidence, patronyme, orientation sexuelle, etc. Je n’ai jamais approuvé le devoir de fidélité au parti, mais toujours aux valeurs. Malheureusement on ne demande plus aux adhérents et aux élus du parti d’être fidèles à ces valeurs. Pire : le seul objectif est maintenant de rester hégémonique à gauche. Preuve en est : le parti souhaite faire voter ses députés contre la confiance au gouvernement. Quel est le message ? On vote pour uniquement quand c’est l’intégralité du parti qui a le pouvoir ? N’oublions pas que des socialistes sont au gouvernement aujourd’hui, ils y font vivre nos valeurs, et dans des postes régaliens ! Déjà lors des législatives le parti a voulu imposer des candidats partout, faisant fi de situations locales complexes, comme sur la 3ème circonscription du Loiret par exemple. Quel en était l’objectif si ce n’est engranger quelques voix supplémentaires pour contribuer au financement du parti ? Ils n’ont plus que ça à l’esprit. Quelle irresponsabilité.
On pourrait penser que ce sont les résultats de l’élection présidentielle qui a entraîné le manque de clarté pour les élections législatives. Or le problème semble en fait plus lointain et remonte notamment au référendum de 2005 sur le traité européen où le parti a exacerbé ses divergences internes sur l’économie, la défense, les institutions, etc. Je suis convaincu que le travail est une valeur de gauche, que la gauche doit récompenser les efforts et les initiatives, qu’elle doit réconcilier les salariés et les patrons dans l’entreprise. Tout cela doit être favorisé par l’Europe.
Les électeurs veulent savoir si les candidats seront députés dans la majorité ou l’opposition. Le Parti Socialiste proposait un ni-ni car il n’a pas fait son choix… On peut le comprendre car cela nécessiterait un positionnement sur des sujets qui ont été jusqu’à présent abordés de manière superficielle, mais nous nous devons de le refuser ! Il ne faut pas avoir peur de dénoncer l’hypocrisie dans laquelle se trouve le parti.
L’hypocrisie est une maladie qui prolifère maintenant jusque dans les racines locales. On m’a reproché de faire campagne pour Caroline Janvier sur la 2ème circonscription du Loiret. Je l’assume complètement, contrairement à d’autres. Je milite et je militerai toujours pour une gauche moderne, qui porte haut le renouvellement et qui fait preuve de responsabilité face au danger des extrêmes. Je regrette que cette ligne de conduite n’ait pas trouvé un écho favorable auprès de nos instances fédérales lorsque nous étions plusieurs à le proposer il y a quelques semaines. Malheureusement ce n’est pas la première fois que les militants ne sont pas écoutés. Pire : plus les militants sont jeunes, plus ils ne servent que de caution sur les listes, de colleurs d’affiches ou d’agitateurs de drapeaux.
Nous n’avons pas assez mesuré que la victoire d’Emmanuel Macron adresse un signal aux partis politiques. Nous n’avons d’ailleurs pas réussi à capter le message qui est, en fait, envoyé depuis plusieurs années par les électeurs. Le besoin de dépasser les clivages partisans s’installe. Nous l’avons sous-estimé. La demande de pragmatisme est présente. Nous ne voulons visiblement plus y répondre. Le besoin de renouvellement est réel et nous l’avons méprisé. Dans le Loiret les jeunes le savent mieux que quiconque…
C’est pour toutes ces raisons que je viens d’exposer que je prends aujourd’hui la décision de démissionner du Parti Socialiste. Il ne s’agit pas d’une désertion. Le terme n’est approprié que lorsque la bataille a encore lieu. Il s’agit encore moins d’un renoncement. Je reste très attaché à mes valeurs, très combatif pour les défendre sur le terrain, très optimiste. Il ne s’agit pas non plus d’un manque de courage. J’ai d’ailleurs défendu, avec beaucoup d’autres, le poing et la rose lors d’élections très compliquées durant ce quinquennat, comme les municipales ou les européennes.
Il s’agit tout simplement d’être cohérent avec soi-même pour ne pas devenir schizophrène par appât du pouvoir, à l’instar de certains politiciens.
Je sais ce que me coûte cette décision. J’y laisse quelques amis avec qui j’ai découvert que le terme « famille politique » n’est pas une image mais une réalité. J’y laisse des personnes de grande qualité avec qui j’ai vraiment apprécié débattre et aller sur le terrain. Je veux leur dire que je resterai socialiste. Je suis fidèle aux valeurs qui nous animent car elles elles ne meurent pas.
Si en m’engageant je n’ai pas compté mon temps, ce n’est pas pour commencer à le faire demain. Certes je mets aujourd’hui un terme à une aventure, mais ce n’est pas une fin en soi. Premièrement parce qu’il est possible d’agir politiquement sans être encarté. C’est même indispensable. Deuxièmement parce qu’il faut s’engager dans le milieu associatif pour faire vivre les valeurs de progrès. Je l’ai fait avant, je le fais maintenant et je continuerai à le faire après.
Demain, que doit-il se passer ? C’est finalement la question qui se pose. Certains socialistes militent pour une refondation du parti et attendent le prochain Congrès. Moi même j’ai participé il y a encore quelques semaines à des opérations pour contenir les départs. Voyant les vieux démons revenir comme la création de nouvelles chapelles, j’ai préféré, en tant que militant, prendre une autre direction.
Je pense qu’il faut pour le pays une gauche qui s’assume clairement réformiste, cette gauche qui peut participer à la majorité présidentielle autour d’Emmanuel Macron. C’est pour cette construction nouvelle que je militerai désormais, mais sans appartenance partisane. J’espère que nous serons nombreux à faire ce choix de responsabilité et de clarté.