Le week-end dernier avait lieu à Orléans le premier grand rassemblement d’ERASME (évolution, réforme, avenir, socialisme, mouvement et Europe), sensibilité du Mouvement des Jeunes Socialistes. Ce week-end place au Conseil National à Paris. Notre contribution à l’occasion :

Logo du Mouvement des Jeunes Socialistes

Le 25 mai restera-t-il longtemps dans les mémoires comme une blessure profonde à la France et une injure à l’Europe ou sera-t-il un épisode, parmi d’autres, d’une irrésistible montée de l’extrême droite ?

Cette élection a été marquée par la volonté d’élire le futur président de la commission et pour nous l’incarnation d’une alternative de gauche était Martin Schulz. Toutefois la montée des nationalistes et des souverainistes en Europe a empêché toute majorité réelle. Ni du côté des sociaux démocrates, ni de celui des conservateurs.

En France les sondages annonçaient une victoire du Front National. Pourtant, le soir du scrutin, juste avant les résultats, nous avions encore l’espoir de « sauver les meubles », l’espoir d’atteindre un score équivalent, si ce n’est supérieur, aux résultats français de 2009. Ces espoirs ont été vains mais l’indignation face à la progression de l’extrême droite n’a pas été au rendez-vous.

Nous, jeunes socialistes, devons prendre notre part de responsabilité dans cet échec et il convient de tous se remettre en questions, de dépasser nos clivages, de fédérer nos énergies dans une lutte acharnée contre le Front National. Un bilan de la phase électorale 2014 s’impose, ce qui ne doit pas nous empêcher de tirer des conséquences dans notre organisation et à nous, de proposer un rassemblement des jeunes socialistes autour de nouvelles pratiques militantes.

I – Face à de tels résultats, pourquoi sommes-nous restés passifs ?

L’électeur du Front National, ce n’est plus seulement le retraité de la petite ville rurale de Tullins dans l’Isère, c’est aussi la jeune diplômée sans travail, malgré son master 2, de Marseille dans les Bouches-du-Rhône ; ce n’est plus seulement le français qui se croit « de souche » aux replis identitaires mais aussi le représentant syndical de la CGT, c’est parfois même le petit fils d’un tirailleur algérien. L’électeur du Front National a changé, il ne correspond plus aux stéréotypes propagés et ancrés dans nos esprits.

Nous avons pêché par naïveté aux municipales et par manque de réaction aux européennes. Rappelons que le 6 mars 2014, l’extrême droite n’avait déposé que 597 listes sur plus de 36.000 communes. Mais dans ces seules communes, leurs résultats auraient dû nous alerter. Cela donne par exemple à Limoges – fief de gauche depuis plus de 100 ans – une victoire de l’UMP à 45,07% en triangulaire avec le FN au second tour. Ce résultat illustre le problème auquel la République est confrontée, la perte des repères politiques, l’idée qu’agir n’est plus possible. À Hénin-Beaumont, où le FN est victorieux dès le premier tour avec 50,26% des voix, ce malaise est exacerbé.

Surtout le résultat le plus honteux, celui de Mantes-la-Ville dans les Yvelines, avec une quadrangulaire, marque la victoire du FN à 30,26% face à une gauche sortante divisée, comme dans beaucoup d’autres villes. A Mantes-la-Ville ce sont les socialistes qui font gagner le FN, pas les électeurs. Les meilleurs militants du FN ont été les candidats socialistes.

En ce qui concerne le 25 mai, force est de constater que la participation n’a atteint que 43% du corps électoral, ce qui est un échec colossal, compte tenu des enjeux d’une victoire potentielle de Martin Schulz en Europe. Constatons que dans quelques villes perdues aux municipales, les socialistes sont sortis en tête grâce à l’effort combattant des militants socialistes et jeunes socialistes qui ont su travailler main dans la main. Cet élan se retrouve en Haute-Vienne ou en Corrèze, par exemple, toutefois il ne s’agit que de trop rares exceptions. Nous ne pouvons pas nous en réjouir, au contraire. Plus rien n’est attendu de nous, plus rien de la gauche au pouvoir, plus rien de la gauche tout court.

La réaction des progressistes au lendemain des élections européennes doit nous alerter. La victoire, annoncée trop tôt, de l’extrême droite à près d’un quart des votants et 10% du total des électeurs nous a, en effet, anesthésié tel le venin qui paralyse sa proie. Qu’avons nous fait devant cela ? Qu’avons nous dit de percutant aux français ? Aurions-nous eu la faiblesse d’attendre que des triangulaires nous fassent vainqueurs aux municipales ? Évidemment il est grand temps de « se secouer » et de se relever, avant qu’il ne soit trop tard.

Bien que nous ne puissions pas encore tirer de conclusions sur le bilan des élus FN, nous devons dès maintenant dénoncer et condamner leurs méthodes. En tant que jeunes socialistes, il est aussi de notre devoir de contribuer à la marche intellectuelle de la gauche pour la France.

II – Échecs, désillusions : à qui la faute ?

Nous parlons d’échecs et de désillusions, mais quand cela a-t-il commencé ? Il est difficile de le dire précisément car il n’est pas possible de prétendre que le gouvernement n’a pas réformé et fait voter de bonnes mesures. François Hollande a tenu sa promesse des 60.000 postes dans l’Éducation Nationale, des emplois d’avenir et des contrats de génération, de l’action pour l’égalité salariale femmes-hommes, d’aider à la construction de logements et de maîtrise des loyers. Il ne faut pas oublier ces nouveaux acquis. Cependant il avait aussi promis la révolution fiscale, elle n’est pas encore là.

Face aux nombreuses mesures déjà votées et cette volonté ambitieuse de réformer le pays, c’est à nous de trier et d’en mettre certaines en avant. Notamment celles qui concernent les jeunes, qui sont la priorité, et les défendre inlassablement sur le terrain.

C’est en construisant nos idées que l’on arrivera à déconstruire celles du Front National. Être de gauche et progressiste, c’est défendre la justice sociale, l’égalité réelle, c’est poursuivre l’idéal républicain de l’intérêt général et c’est bien sûr améliorer la vie des français par la création d’emplois dans les entreprises. Grâce à ce projet fondamental de société, nous ferons reculer les individualismes, les peurs et les discriminations. Il faut garder un esprit objectif quant à la politique menée, sans pour autant tomber dans la caricature et alimenter l’opposition gouvernementale. Nous avons contribué à faire gagner la gauche après 10 ans de casse de la droite, l’assumer c’est défendre la politique menée, avec lucidité.

Nous sommes le lien d’informations et d’échanges. Ne créons pas la confusion : soyons les premiers agents de la gauche au gouvernement et traduisons son message. Rien ne nous empêche d’être des incubateurs d’idées et de renouveler continuellement nos propositions afin d’améliorer le projet socialiste, comme nous l’avons fait entre 1997 et 2002. Soyons une force de propositions, sans ajouter à la faiblesse de la discorde.

Combattre le FN, ce n’est pas qu’une question électorale. Ce combat est avant tout celui des valeurs. Nous devons donc engager la bataille culturelle contre le Front National, en détricotant les mailles de l’idéologie frontiste installée dans la population et dans une partie des médias. Le MJS n’a jamais été aussi efficace que dans ce combat. Une campagne isolée ne suffit pas, il faut une action de long terme. C’est à ces conditions que nous transformerons profondément la nature des valeurs ancrées dans notre société : l’ouverture plutôt que le repli, la solidarité face à l’égoïsme, la soif de progrès et non la stagnation du conservatisme.

« Celui qui n’a pas d’objectifs, ne risque pas de les atteindre », Sun-Tzu.

III – Se réunir pour mieux rebondir : rassemblement et nouvelles pratiques militantes

Il faut réaffirmer nos valeurs et nos combats historiques de gauche. Cela passe par le lien syndical et associatif qu’il soit professionnel, civil ou étudiant, quelle que soit sa sensibilité politique. C’est bien pour cela que nous devons garantir et renforcer l’autonomie de nos fédérations afin d’encourager des partenariats intelligents en rapport avec les thématiques locales d’autant plus que ces groupes associatifs et syndicaux sont le cœur de la vie citoyenne.

Le contact avec la population est l’essence même de notre engagement politique. Ainsi, des actions fondamentales comme le porte-à-porte souvent décrié, nous permettent de garder un contact dans les quartiers populaires et les zones rurales. En effet, il est inimaginable de ne pas penser une présence militante des jeunes socialistes sur l’ensemble du territoire. Cette présence doit être efficace, avec des jeunes formés. Militer n’est pas inné, l’affaiblissement de la formation aux techniques militantes permettant de créer le lien nous coûte beaucoup. De plus il est de notre responsabilité de nous ouvrir aux citoyens en organisant des conférences, des conventions, mais aussi, à plus petite échelle, des cafés débats, ouverts à la société et la jeunesse non politisée.

Nous demandons, par ailleurs, que le MJS organise des assises de la mobilisation militante en transcendant les courants internes et en laissant de côté nos différences, dans le but de retrouver nos valeurs fondamentales, dont la lutte contre l’extrême droite. Le trop grand centralisme de notre organisation et les difficultés des CCR doivent nous inciter à organiser ces assises à une échelle régionale ou inter-régionale, en incluant les partenaires associatifs et syndicaux ; sans empêcher que ce soit le bureau national des jeunes socialistes qui les impulse pour éviter les tensions locales.

Notre but commun doit être de convaincre autrement des citoyens qui ne croient plus en la parole politique.

Il n’est pas possible pour la gauche et en particulier pour le Parti Socialiste et le MJS de faire comme si rien ne s’était passé. Il est des défaites qui sont cuisantes et qui ne doivent pas être oubliées. L’enjeu véritable de ce début de XXI° siècle pour la gauche et le socialisme, c’est de pouvoir affirmer sans peine et avec la plus grande clarté, ses convictions et surtout de pouvoir construire le modèle de société qui transforme le monde, le système économique et donc nos vies. C’est cela, partir du réel pour aller à l’idéal. Le 25 mai, sans l’oublier, ne doit plus être qu’un mauvais souvenir et non le prologue de l’accession au pouvoir de Marine Le Pen.