Les Orléanaises et les Orléanais étaient appelés aux urnes, comme des millions d’Européens, afin d’élire les représentantes et les représentants au Parlement européen pour les 5 prochaines années.

Nous avons voulu écrire avec Tous Orléans une note pour proposer à nos adhérentes et nos adhérents, mais aussi à celles et ceux qui nous suivent, un décryptage plus complet que dans les différents titres de presse des résultats de ces élections européennes pour la ville d’Orléans.

Nous avons aussi voulu écrire cette note dans la continuité de la conférence que nous avons organisé le 9 mai dernier à l’occasion de la journée de l’Europe : « Comment reconquérir l’Europe et ses citoyens ? ». Rappelons qu’elle était labellisée par le Parlement européen dans le cadre de sa campagne d’information pour les élections européennes. Nous sommes fiers d’y avoir contribué à Orléans.

À travers nos contributions, qui ont davantage été rédigées comme des analyses personnelles que comme des vérités scientifiques, vous pourrez, nous l’espérons, mieux comprendre les grands enjeux de ce scrutin et ses résonances locales.

Pour agrémenter cette analyse nous avons travaillé sur une carte des résultats par bureau de vote. Vous pouvez la découvrir à cette adresse : www.bit.ly/TO-Europeennes2019.

Après une élection nous aimons surveiller les surprises et en tirer des enseignements. Dimanche, outre le score historiquement faible de LR et le score assez fort d’EELV, l’une des surprises principales aura été la participation, en nette hausse par rapport à 2014.

S’il n’y a pas de quoi se satisfaire de seulement 50,12% de participation au niveau national, on peut tout de même tenter de comprendre comment la participation a pu augmenter de plus de 7 points par rapport à la précédente élection européenne dans un contexte où la campagne électorale semblait être un fiasco. Est-ce dû au nouveau mode de scrutin ? Là où en 2014 nous votions par grande euro-circonscription, en 2019 nous avons voté pour une liste nationale. Est-ce dû à une exposition médiatique plus importante ? Là où en 2014 il n’y avait pas eu de réel débat audiovisuel organisé, en 2019 nous avons eu droit à 11 débats entre les différentes têtes de listes. Est-ce dû au grand nombre de listes ? Il y en avait 34 en tout et pour tout !

Est-ce dû à l’appel à voter lancé par le rappeur belge Roméo Elvis le 22 mai qui, dans 1000°C avec Lomepal, s’amuse du statut confortable des députés européens : « vu que je bosse pas à l’usine des fois c’est le foutoir, même quand je suis pas là, je touche l’argent comme un député européen » ?

Sursaut européen à Orléans

Orléans n’est pas écarté de ce sursaut européen même si nous nous situons légèrement en dessous de la moyenne nationale avec 48,63% de participation.

Concrètement ce sont 39 bureaux de vote, sur les 66 qui maillent le territoire communal, qui font figure de bons élèves avec plus de 50% de participation. Notons que les bureaux de vote n°22 à l’école primaire Louis Guilloux (Dunois), n°48 à l’école primaire Maxime Perrard (Saint-Marceau) et le n°65 à l’école primaire Les Guernazelles (La Source) se distinguent en passant même à plus de 60% !

On retrouve les taux de participation les plus bas dans les quartiers populaires : 41,98% sur Barrière Saint-Marc – Argonne et l’on descend même à 36,09% au cœur de l’Argonne et des HLM ; 39,81% à La Source et 34,25% au cœur du quartier ; 47,40% aux Blossières et 43,50% au cœur du quartier.

Forte présence du RN dans les quartiers et risque d’un vote communautaire

Si cette abstention est historique dans les quartiers populaires, elle ne doit pas pour autant être un prétexte utilisé par les élus pour agir moins bien que dans le centre-ville par exemple. Il ne s’agit pas non plus de pointer du doigts les personnes qui y habitent. Elles ont probablement beaucoup de raisons de ne pas aller voter. La citoyenneté est un effort et non un acquis. L’une des clés pour comprendre l’abstention se situe dans la concentration des phénomènes de pauvreté. Au 31 décembre 2017 les personnes en demande d’emploi, toutes catégories confondues, représentaient à l’Argonne 19,57% de la population globale du quartier et à La Source 20,48% de la population du quartier. Ce taux était de 13,06% pour tout Orléans. Selon le Ministère de l’Éducation nationale le taux de retard scolaire à l’entrée en 3e en 2015 était de 40% à l’Argonne et de 33,3% à La Source contre 19,4% sur tout Orléans. Les préoccupations sont donc très fortes dans ces quartiers et l’espoir ne semble pas provenir des politiques.

De cette abstention plus élevée dans les quartiers, corrélée aux résultats pour chaque liste, se dégage un enseignement intéressant. En effet c’est uniquement dans ces quartiers que le RN arrive à se hisser en tête dans plusieurs bureaux de vote : 19,29% au n°34 à l’école primaire Jean Mermoz (Blossières), 30,12% au n°30 à l’école primaire Pierre Ségelle (Gare), 19,20% au n°61 à l’école primaire Denis Diderot (La Source), 17,61% au n°42 à l’école primaire Gutenberg et 25,43% au n°43 à l’école primaire du Nécotin (Argonne). L’abstention favorise le RN !

Par ailleurs, l’abstention a également favorisé la liste présentée par l’Union des Démocrates Musulmans Français particulièrement dans plusieurs bureaux de vote de l’Argonne et de La Source où la liste arrive même en tête dans le bureau n°58 à l’école primaire Pauline Kergomard avec 15,27% des suffrages exprimés pour un taux de participation de 17,15%… Une liste communautaire, quelle qu’elle soit, me semble être une menace pour notre démocratie. Nous sommes différents, mais tous Français, tous Orléanais. Dans le cadre d’une élection nous ne sommes pas d’abord différents, d’abord chrétiens, d’abord juifs, d’abord musulmans. Et en même temps il faut s’interroger sur la présence de cette liste à ces élections. Il faut s’interroger sur les démarches de reconnaissance des personnes de confessions musulmanes et sur les problématiques qu’elles rencontrent au quotidien, à Orléans comme ailleurs. Le score national de la liste UDMF est de 0,1%, soit 28.447 voix, dont 12.951 rien qu’en Île-de- France soit 0,37%. Maintenant il faut agir et aller à la rencontre de ces personnes pour ouvrir le dialogue et trouver des solutions.

Un effet Montillot

Du reste, les résultats orléanais s’inscrivent dans la logique nationale même si EELV termine en deuxième position sur la ville avec un score de 16,31%. Rappelons tout de même que la « vague verte » reste relative car elle est moins forte qu’en 2009, que ce soit nationalement ou localement à Orléans, où les écologistes avaient réalisé 20,34%. Cette année la liste écologiste sort en tête sur deux bureaux de vote : le n°33 à l’école primaire Jean Mermoz (Blossières) avec 18,50% et le n°27 à l’école primaire Marcel Proust (Faubourg Bannier) avec 21,98%. Constatons que contrairement à d’autres scrutins EELV n’arrive pas à se hisser en tête en centre-ville mais que le terrain des Groues se situe sur les deux bureaux de vote précités. De là à imaginer que les électeurs y attendent un projet d’envergure écologique il n’y a qu’un pas.

La surprise orléanaise de ce scrutin vient peut-être du côté de l’UDI qui réalise un meilleur score qu’au niveau national. 3,97% à Orléans contre 2,5% partout en France. La campagne de Florent Montillot, adjoint au maire d’Orléans, qui était 7ème sur la liste UDI et qui a distribué à 100.000 exemplaires un tract intitulé « Le seul candidat éligible d’Orléans et du Loiret » a été efficace. Ce résultat doit prouver aux militants politiques qu’une campagne de terrain peut porter ses fruits même si l’UDI, en dessous de la barre fatidique des 3%, ne pourra pas se faire rembourser ses frais de campagne. Soulignons que Mamoudou Bassoum, n°5 sur la liste du PCF, et Pierre Dieumegard, tête de liste Espéranto, qui étaient tous deux du Loiret, ne peuvent pas se targuer d’un effet électoral en leur faveur.

De son côté la référente départementale de LREM, Jihan Chelly, a indiqué sur France Bleu Orléans lundi matin que le score de son parti à Orléans était en hausse de 5 points par rapport au premier tour de l’élection présidentielle de 2017. Pourtant LREM a fait 29,04%, soit 13.619 voix, en 2017 et 26,61%, soit 7.925 voix, en 2019. Les faits la contredisent sévèrement. Gageons également que celles et ceux qui parlent de pulvérisation des partis traditionnels et qui « en même temps » souhaitent un rassemblement large pour les prochaines élections allant de la droite à la gauche ne puissent pas réussir leur entreprise.

Aucun député européen pour la région

En conclusion il convient de rappeler que la région Centre-Val de Loire semble avoir été la grande absente lors de la composition des listes des partis qui ont remporté des sièges au Parlement européen dimanche soir. Notre région est pourtant la première région céréalière d’Europe !

Il n’y aura à priori aucun élu ni aucune élue ne venant de la région lors de la première session du nouveau Parlement européen le 2 juillet prochain.

En effet le seul candidat issu de la région qui a été élu, Claude Gruffat, blésois, n°13 sur la liste EELV et président de Biocoop depuis 2004, est un « élu fantôme », c’est à dire qu’il ne siègera au Parlement européen que lorsque le Brexit aura réellement eu lieu. Le Centre- Val de Loire n’entrera donc au Parlement européen que lorsque le Royaume-Uni en sera sorti !

En attendant les Orléanaises et les Orléanais n’auront pas d’interlocuteur de proximité au Parlement européen. Force est de constater que le mode de scrutin qui vise à élire une liste nationale n’encourage pas la représentativité des territoires. Cependant je note que la représentativité des jeunes a été accrue : les têtes de listes du RN, de LFI, de LR et du PS ont toutes moins de 40 ans et n’avaient jamais eu de responsabilité d’envergure nationale auparavant. Espérons que cela devienne une source d’inspiration, d’autant plus au regard de leur participation à ce scrutin européen, pour les prochaines élections municipales…