Je suis intervenu ce vendredi 15 novembre en ouverture de la finale du concours d’éloquence de Tous Orléans :

Tout ne tient qu’à un fil.

C’est le cas pour ce concours d’éloquence qui s’est imaginé avec Jérôme Bornet, trésorier de Tous Orléans au détour d’un déjeuner à Paris, qui a pris une dimension si singulière avec Cannes 1939 au cours d’un simple échange avec Anthony Gautier, médiateur culturel du festival, et qui s’est développé avec vos encouragements, pas vos clics, par vos contributions, par votre temps.

À vous toutes et tous sans qui ce concours n’aurait jamais pu avoir lieu, à vous toutes et tous retraités, chômeurs, travailleurs ou étudiants au temps précieux mais bénévoles malgré tout, à vous toutes et tous militantes et militants de l’égalité pour que chacune et chacun, quel que soit son âge, son sexe ou ses origines, puisse s’exprimer, participer au débat public et être entendu, à vous toutes et tous je tiens ici, solennellement, à dire merci, du fond du coeur pour cette liberté d’expression que vous avez su promouvoir et conforter.

Tout ne tient qu’à un fil. C’est aussi le cas pour l’Europe et pour le Festival de Cannes en 1939.

Jean Zay, avec d’autres, Albert Sarraut, Philippe Erlanger, imaginent un festival cinématographique concurrençant la Mostra de Venise, alors sous le joug d’Hitler et de Mussolini. L’affiche est prête, dessinée par Jean-Gabriel Domergue. Cannes est sacrée ville d’un festival libre du monde libre. Les films sont là. Les stars aussi. Mais le 1er septembre 1939, les troupes allemandes d’Hitler envahissent la Pologne, et c’est le début la seconde Guerre mondiale dont on connait la suite. La première édition du Festival de Cannes est annulée. 80 plus tard, Cannes 1939 a lieu. Nous y sommes. La mémoire de Jean Zay est ravivée. Comment pouvait-il en être autrement ? Mais ce n’est pas la seule. L’affiche revit pour vous grâce au talent de François Caspar, directeur du festival. Les films sont rembobinés, prêts à ce que vous les découvriez ou re-découvriez, grâce à Antoine de Baecque, à Maurice Huvelin… Les stars sont là aussi.

Comme le producteur et réalisateur Ridley Scott et avant lui l’auteur Philip Kindred Dick, ne vous êtes-vous jamais demandé ce que serait notre monde si Hitler avait gagné cette guerre ? Ne vous êtes-vous jamais demandé ce que serait la France si la première révolution française n’avait pas abouti à la mort de Louis XVI en 1793 ? Si Jeanne d’Arc n’avait pas libéré Orléans en 1429 ?

À de nombreux moments de son histoire l’Europe aurait pu basculer. Lors de la seconde Guerre mondiale, l’Europe, emportée par les forces de l’Axe, a risqué de sombrer dans une dimension où la haine et la mort pouvaient vaincre irrémédiablement la raison et l’amour. Les traces sont indélébiles mais la mémoire collective retient aussi que rien n’est inéluctable.

Nous devons notre liberté aussi bien aux soldats d’Austerlitz qu’à ceux de Verdun, aussi bien aux héros de la Révolution qu’à ceux de la Résistance.

Nous avons besoin de résistance. Nous avons besoin de Jean Zay, de Pierre Brossolette, de Geneviève de Gaulle-Anthonioy, de Germaine Tillon, sans oublier Jean Moulin.

Nous en avons besoin. Hier. Aujourd’hui. Demain.

Et demain, que ferons-nous ? Que ferez-vous ?

Un gouvernement ne garantira jamais seul la liberté. Je crois qu’elle passe aujourd’hui aussi bien par les lanceurs d’alertes que par ces bénévoles qui accueillent et protègent les migrants, que par ces Kurdes qui combattent, que par ces jeunes et ces moins jeunes qui, partout à travers le monde, rêvent, osent, travaillent et n’abandonnent jamais. Comme l’a affirmé Xavier Dolan en recevant, à 25 ans, le Grand Prix du Jury du Festival de Cannes en 2014 : « Tout leur est possible » !

Tout ne tient qu’à un fil. Et il nous appartient, à nous toutes et tous, de dire et d’agir, car il suffit de presque rien pour qu’une chose se fasse et ait des conséquences. Nous pouvons changer le fil.

J’ai mes préférences parmi les discours des candidats et des candidates qui vont se présenter à vous cet après-midi. Ils vont vous parler de la laïcité, de « leur laïcité ». Je ne vous demanderai pas d’être tolérants envers leurs productions. Je ne vous demanderai qu’une chose aujourd’hui : c’est d’être respectueux. Car, comme l’écrivait si bien Goethe : « La tolérance ne devrait être qu’un état transitoire. Elle doit mener au respect. Tolérer c’est offenser. » Cet éloge de l’égalité réelle, sans distinction d’aucune de nos différences, doit nous inspirer.

Tous différents, tous Orléans, tous éloquents.

Crédit photo : Patrice Delatouche


Everything hangs by a thread.

That has been the case for this eloquence contest : it was imagined one day at lunch with Jérôme Bornet, it took a completely different turn with Cannes 1939 over a simple exchange with Anthony Gautier, and it developed thanks to your support, your clicks, your contributions, your time.

To all of you, men and women, without whom this contest could never have taken place, to all of you, pensioners, unemployed, workers or students for whom time is so precious, but who volunteered nonetheless. To all of you, activists fighting for equality so that everyone, regardless of their age, gender or background may be able to express themselves, take part in the public debate and be heard. To all of you I want to sincerely thank you, from the bottom of my heart, for the freedom of speech that you have strengthened and promoted

Everything hangs by a thread. This was also the case for Europe and for the Cannes Film Festival in 1939.

Jean Zay, among others, Albert Sarraut, Philippe Erlanger, imagined a film festival competing with the Venice Film Festival, which was under the yoke of Hitler and Mussolini. The poster was ready, drawn by Jean-Gabriel Domergue. Cannes was dubbed the city of a free festival in the free world. The films were there, the stars too. But on the first of September, 1939, the German troops invaded Poland, and so began the Second World War, we know the rest. The first edition of the Cannes Film Festival was canceled. Eighty years later, Cannes 1939 is taking place. Here we are. The collective memory of Jean Zay is revived. How could it happen differently ? But it is not the only one. The poster has come back to life thanks to François Caspar’s talent. The films have been rewinded, ready for you to discover or re-discover tham, thanks to Maurice Huvelin. The stars are here too thanks to Antoine de Baecque.

As the producer and director Ridley Scott, and before him the author Philip Kindred Dick, have you never wondered what would the world be like if Hitler had won this war? Have you never wondered what our country would be like if the first French revolution had not led to the death of Louis XVI of France in 1793 ? Or if Joan of Arc had not liberated Orleans in 1429 ? 

At many times in its history, Europe could have crossed the line. During the Second World War, Europe, led by the Axis forces, risked sinking into a dimension in which hatred and death could irremediably overcome reason and love. The traces are indelible but collective memory also remembers that nothing is inevitable.

We owe our freedom to the soldiers of Austerlitz, to those of Verdun… to the heroes of the Revolution as well as to those of the Resistance.

We need resistance. We need Jean Zay, Pierre Brossolette, Genevieve de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillon, not to mention Jean Moulin. We need them. Yesterday. Today. Tomorrow.

And what about tomorrow : what will we do? What will you do ?

A government alone will never guarantee freedom. I believe that it exists today through whistleblowers, through those volunteers who welcome and protect migrants, through Kurds who fight, and through those people, young and old, who, everywhere around the world, dream, dare, work and never give up. As Xavier Dolan said at the age of 25, when he received the Cannes Film Festival Jury Prize: « Everything is possible for them » !

Everything hangs by a thread. And it is up to all of us to speak and act, because it takes almost nothing to make things happen and for them to have an impact. We can change the thread.

I have my preferences among the speeches of the candidates that will be delivered this afternoon. They will talk about secularism, « their secularism ». I will not ask you to be tolerant about their productions. Today I will only ask you one thing: to be respectful. Because, as Goethe once wrote : « Tolerance should really only be a passing attitude : it should lead to respect. To tolerate is to offend. » This eulogy of real equality, without distinction of any of our differences, must inspire us.

All different, all Orléans, all eloquent.